L’architecture, le patrimoine et l’urbanisme comme thèmes de recherche

       
LES MAQUETTES DE L'EXPOSITION
"L'HÔTEL PARTICULIER, UNE AMBITION PARISIENNE"
    
Dernière mission en date pour la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, les trois maquettes que je vais présenter succinctement ici ont été réalisées pour l’exposition « L’hôtel particulier, une ambition parisienne », exposition organisée par la Cité de l’Architecture et du Patrimoine d’octobre 2011 à février 2012. Il s’agit cette fois d’une maquette de l’Hôtel Lambert, par Louis Le Vau, et sutrout de deux maquettes de l’Hôtel de Castellane dit « Palais Rose », par Ernest Sanson. Comme pour les autres projets de maquettes que j’ai eu la chance de concevoir pour la Cité, il s’agissait cette fois encore de concevoir et suivre la réalisation de maquettes destinées à être présentées dans cette exposition, ces trois maquettes devant par la suite rentrer dans les collections de la Cité.



La maquette de l’Hôtel Lambert est une maquette classique, en résine et plexiglas, et a été réalisée par l’Atelier Alain Pras. Ses plans ont été établis sous la direction du commissaire de l’exposition sur la base des relevés et documents fournis par l’agence A.C. Perrot, architecte en charge des travaux en cours sur le bâtiment. Maquette d’ensemble, au 1/100, elle propose une reconstitution possible de l’état d’origine de l’hôtel au XVIIe siècle, tant pour la volumétrie (reprise du plan de toiture et suppression des extensions ajoutées depuis la construction) que pour les détails architecturaux (balustrades en remplacement des garde-corps 18e, dessins des huisseries, escalier d’honneur ouvert, etc…) et les couleurs choisies (huisseries jaune d’or au lieu du blanc actuel).

Les deux maquettes du « Palais rose » posaient quant à elles des problèmes plus complexes, car le bâtiment a malheureusement été démoli à la fin des années 60. Il s’agissait donc cette fois sur la base des informations disponibles de réaliser des maquettes permettant d’illustrer au mieux l’intérêt et la qualité de ce bâtiment.

Le « Palais rose » était, rappelons-le, une demeure luxueuse construite au tournant du XXe siècle à Paris par Ernest Sanson pour le comte Boniface de Castellane et sa femme, Anna Gould, fille d’un milliardaire américain. L’hôtel, pour beaucoup destiné à servir de décor aux fêtes somptueuses offertes par le couple au tout-Paris de la belle époque, était l’expression, par ses emprunts aux architectures de Versailles pour les intérieurs et du Grand Trianon pour l’extérieur, du goût prononcé du comte pour le Grand siècle. L’ampleur du bâtiment, sa construction avenue Foch sur un des terrains les plus chers de Paris, son luxe outrancier, étaient quant à eux rendus possibles par l’immense fortune de la comtesse.

La réponse de Sanson à l’attente de ces clients est intelligente, et tout dans le bâtiment répondait à cette volonté de faire grand et d’en mettre plein la vue. L’hôtel, loin de ressembler à ce qu’aurait pu être une somptueuse et confortable demeure aristocratique, était plutôt conçu comme un gigantesque espace de réception, succession de salles aux volumes de belles dimensions, dont les décors chargés de marbres, de dorures, de miroirs, de peintures en trompe-l’œil, renforçaient l’impression de luxe et d’opulence.

L’organisation du « Palais rose » surprend d’autant plus que ces salons, galeries et salle à manger, auxquels venait s’ajouter un petit théâtre « privé », occupaient la quasi-totalité de l’étage supérieur de l’édifice, là où on aurait pu s‘attendre à trouver, dans une demeure plus classique, les espaces domestiques destinés à la vie privée. On y accédait par un escalier monumental, situé au centre du bâtiment, reproduction à l’identique de l’escalier disparu dit « des ambassadeurs » à Versailles. À l’extérieur, ce vaste espace de réception se prolongeait par un jardin en terrasse dominant l’avenue Foch. Les chambres, l’appartement de M. le Comte, les espaces destinés aux domestiques et aux services se trouvaient eux répartis sur les deux niveaux inférieurs, de part et d’autre du grand escalier central. La seule entorse à cette organisation était la chambre de Me la Comtesse, située à l’étage supérieur, à côté du grand salon. Extérieurement, cette curieuse organisation se lit nettement dans les façades, les larges baies et les pilastres de marbre rose de l’étage de réception s’appuyant sur un soubassement de deux étages simplement décoré d’un bossage de pierre et correspondant aux niveaux des appartements privés et  des services.


Une représentation en maquette du « Palais rose » se devait de faire comprendre cette logique, mais sans oublier d’évoquer le luxe des décors et les références architecturales du projet de Sanson. Très vite, lors des discussions avec l’équipe de conservation de la Cité, l’idée de faire deux maquettes s’est imposée. La principale, à grande échelle, serait une maquette partielle, une coupe sur l’escalier, qui permettrait de comprendre l’organisation du bâtiment tout en offrant une représentation aussi fidèle que possible des intérieurs. La seconde, à petite échelle, viendrait en complément de la première en montrant le bâtiment dans son ensemble et son implantation sur la parcelle.

Le problème principal résidait néanmoins dans ce qu’il était réellement possible de faire au regard des documents disponibles. En effet, si une bonne partie des plans et coupes d’origine est conservée aux Archives Nationales et permet donc de recréer l’architecture et les décors du bâtiment très fidèlement, les photographies sont peu nombreuses. Surtout, les informations précises quant aux couleurs et teintes des matériaux utilisés sont rares et incomplètes. Or la restitution de l’ambiance colorée du bâtiment, même si représentée partiellement, restait un des enjeux majeurs de ces maquettes.

Pour contourner ce problème, nous avons décidé de compléter les documents disponibles concernant le « Palais rose » par les indications de couleurs que pouvaient nous fournir les sources établies de l’inspiration d’Ernest Sanson, à savoir le Grand Trianon et l’escalier des Ambassadeurs de Versailles. Bien sûr, l’escalier des Ambassadeurs a lui aussi disparu, mais il existe dans les collections du Château de Versailles une maquette réalisée dans les années 50 établissant une reconstitution sérieuse de l’escalier. L’étude de cette maquette a permis de combler quelques lacunes concernant notre reconstitution de l’escalier d’honneur du « Palais rose ».

La grande maquette, au 1/50, figure une moitié du bâtiment, coupé dans l’axe. Ainsi, l’œil du visiteur peut circuler dans la maquette comme pouvaient le faire les invités des de Castellane. Après avoir traversé la cour d’honneur, il pénètre dans le hall du bâtiment, espace relativement bas de plafond. Puis, le visiteur découvre le spectaculaire escalier au décor de marbre et d'or, escalier qu’il suit pour monter à l’étage des salons de réception. Il peut ensuite flâner dans les salons galeries, d’où il aperçoit, par une porte ouverte, le grand salon, et, par-delà, le jardin en terrasse. Volontairement, les façades et extérieurs de cette première maquette sont blancs, afin de renforcer par contraste l’impression créée par le débordement de couleurs et de dorures des intérieurs.

  
La seconde maquette, au 1/200, montre le bâtiment dans son ensemble, avec ses cours et jardins. Maquette de masse, elle associe couleur et rendu monochrome. La couleur n’est utilisée que pour les façades, dont les teintes, qui s’inspirent de celles du Grand Trianon, explique le surnom de « Palais rose ». 


Après appel d’offre, c’est l’atelier de l’ETSAV à Barcelone, sous la direction d’Angel García et Laura Baringo qui a été retenu pour la réalisation de ces deux maquettes. Les deux maquettes sont en  plâtre, plexiglas (pour les vitres de la grande maquette), métal photo découpé et découpe laser. Principale complexité de ce projet, le travail d’interprétation des couleurs, marbres et dorures est remarquable. Il est l’œuvre d’un véritable artiste, employé spécialement sur ce projet et en charge de cette mise en couleur. Le choix des teintes, étape cruciale, s’est fait sur la base de nombreux échantillons. Trouver la bonne expression, le bon compromis entre la volonté de réalisme et l’interprétation rendue nécessaire par le manque de précisions quant à la réalité du bâtiment ne fut pas simple.

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