MAQUETTE DE LA MAISON DU PEUPLE DE CLICHY POUR LA CITÉ DE L'ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE
Bâtiment métallique particulièrement innovant, la Maison du Peuple de Clichy par Eugène Beaudouin, Marcel Lods, Jean Prouvé et Vladimir Bodiansky se devait de figurer parmi les futures collections de la Cité de l'Architecture et du Patrimoine à Paris. Aussi avait-il été décidé de l'intégrer à la section "Construction" des nouvelles collections au côté d'autres bâtiments tout aussi novateurs comme le Crystal Palace de Paxton à Londres ou le Théâtre des Champs-Élysées de Perret à Paris. À cette fin, il avait été décidé lors de la programmation de la galerie moderne et contemporaine de la Cité de faire réaliser une maquette de grandes dimensions de la Maison du Peuple.
L'intérêt de ce bâtiment est double. Il réside autant dans la souplesse d'utilisation rendue possible par les divers systèmes d'éléments mobiles que par les solutions techniques utilisées dans l'emploi du métal. En effet, pour répondre à un programme complexe combinant les fonctions de marché couvert, salle des fêtes, cinéma et bureaux, les architectes et ingénieurs ont imaginé un bâtiment polyvalent, adaptable à ces diverses fonctions grâce à l’utilisation de mécanismes et éléments mobiles (toiture ouvrante, plancher et cloisons mobiles). L’innovation se trouve aussi dans le système constructif utilisé, combinant ossature acier et mur-rideau en panneaux métalliques préfabriqués. La maquette se devait donc de chercher à présenter ces différentes particularités.
Cette fois encore, ma mission a consisté à proposer et mettre au point ce projet de maquette. Commencé par les études en 2001 et achevé en 2004 avec la livraison de la maquette, il s’agit d’un des tout premiers projets de maquette dont je me suis occupé pour la Cité. Cette mission comprenait une part de recherches, l’établissement du projet de maquette, la préparation des plans et la mise au point du DCE pour l’appel d’offre aux maquettistes et le suivi de réalisation de la maquette. Dans le cas présent, l’essentiel des recherches avait été effectué en amont par l’équipe de la Cité et Hervé Baptiste, A.C.M.H. en charge de la restauration de la Maison du peuple de Clichy, qui nous avait gracieusement fourni ses dossiers et archives. En collaboration avec Corinne Bélier, conservatrice de la galerie contemporaine, Elvira Férault et Émilie Régnault, attachées de conservation, plusieurs scénarios de maquettes possibles furent étudiés pour aboutir à celle qui est actuellement présentée à la Cité.
Comme la plupart des maquettes de la galerie moderne et contemporaine de la cité de l’architecture et du patrimoine, elle représente le bâtiment dans son état d’origine, avant restauration. Pour fournir aux maquettistes le dossier le plus clair possible et régler en amont de la réalisation les questions liées à la reconstitution de l’état initial, mon travail a donc aussi consisté à préparer pour les maquettistes les plans complets de la maquette, représentant le bâtiment dans l’état voulu. Basés sur des documents d’archives et de relevés récents, ces plans ont été redessinés à l’échelle de la maquette, afin d’établir d’emblée une interprétation possible des détails, en comblant les manques éventuels, mais en laissant de côté ce qui ne sera pas vu dans la maquette. Par ailleurs, lors des études, pour mieux appréhender le résultat final, j’avais réalisé une maquette d’étude à petite échelle.
Maquette d'étude en papier et rhodoïde
Exemples de dessins fournis aux maquettistes (plans, coupes, élévations)
Volontairement spectaculaire par ses dimensions, la maquette a été réalisée par l’Atelier Alain Pras à Paris, à grande échelle, au 1/33, dans des techniques classiques associant plexiglas et résine peints. Plutôt réaliste et très précise dans le détail, elle représente le bâtiment dans sa totalité. Mais, pour permettre de voir l'intérieur du bâtiment et de figurer les façades en coupe, un écorché entame la volumétrie côté Nord tout en laissant cependant la structure métallique principale entière. La maquette évoque ainsi les principes constructifs du bâtiment (structure métallique principale et murs-rideaux composés d’éléments préfabriqués). Le principe de cet écorché s’inspire en fait des premiers dessins de Prouvé concernant le bâtiment, et tout particulièrement de ses premières axonométries de la structure.
La maquette photographiée en atelier
La grande particularité de la maquette devait être la représentation par des systèmes automatiques des trois principaux éléments mobiles que comprenait à l'origine le bâtiment, à savoir le toit ouvrant, les deux cloisons mobiles du premier niveau et le plancher amovible. Les systèmes automatiques devaient permettre de configurer le bâtiment suivant les trois scénarii principaux d'utilisation, c’est-à-dire le marché, la salle des fêtes de 2000 places et le cinéma. Un système de manipulation devait permettre au visiteur de commander ces différents automatismes, non pas pour faire bouger chaque élément séparément, mais pour visualiser le bâtiment dans l'une ou l'autre des configurations, les éléments se mettant en place suivant le scénario choisi.
Schémas de principe des automatismes
La maquette a été conçue dans cet esprit, et les mécanismes mis au point dans une volonté de trouver un compromis entre la réalité et sa représentation à l’échelle. Malheureusement, un problème technique a finalement rendu impossible la présentation telle quelle de la maquette, et c’est statique qu’elle est aujourd’hui présentée dans la galerie moderne et contemporaine de la Cité. On peut cependant voir dans les deux films qui suivent l’effet produit par les mécanismes mis en place.
Depuis la réalisation de cette maquette et suite aux récentes polémiques entraînées par les grotesques projets de surélévation du bâtiment, la maquette et des éléments de mon travail ont a plusieurs reprises servi d'illustration comme ici par Docomo en 2018 ou encore dans Sites et Monuments, en 2018 et 2019.
Merci de votre superbe article sur la maison du peuple.
RépondreSupprimerLes films joints permettent de comprendre magnifiquement l'immense intérêt de cet exceptionnel édifice, que nous allons arracher des mains des sauvages.
Jean Louis Hannebert