MISE EN VALEUR DES ŒUVRES D'ART SUR L'ESPLANADE DE LA DÉFENSE
En cette fin d’année 2017 viennent de s’achever les travaux
réalisés dans le cadre du projet de mise en valeur des œuvres d’art sur
l’esplanade de la Défense, réalisation que j'ai suivi en tant que chef de projet pour l’agence Frenak et Jullien, architectes à Paris.
Faire collection
Ce projet, réalisé suite à un concours organisé en 2013 par
Defacto, Établissement
public de gestion du quartier d'affaires de la Défense et remporté par l’agence
Frenak et Jullien, avait la particularité de porter sur une mise en valeur au
sens large de la collection d’œuvres d’art présentes dans l’espace public du
quartier de la Défense.
Planche de principe issue du rendu du concours
Ainsi était-il demandé aux candidats de proposer,
en amont de toutes les opérations liées à un projet de muséographie et de
scénographie des œuvres (établissement de parcours, cartellisation des œuvres, réalisation
de socles et de mise en lumière spécifique, mise en œuvre d’un site internet
d’accompagnement de la visite) une relecture de la collection sous la forme
d’un PSC ou Projet Scientifique et Culturel et d’établir, en parallèle de
l’établissement de véritables dossiers d’œuvres tels que généralement conçus dans
un musée classique ainsi que d’une politique de restauration adaptée à la
spécificité des œuvres. Ce projet aura d’ailleurs été pour Defacto l’occasion
d’un changement complet d’approche des œuvres présentes sur le site de la
Défense, ensemble désormais considéré comme une collection d’œuvres d’art à
part entière sous le nom de la Paris La Défense Art Collection.
Cette demande particulière a nécessité
l’établissement par l’agence Frenak et Jullien, architectes mandataires, d’une
large équipe pluridisciplinaire comprenant pas moins de 10 cotraitants et
sous-traitants, à savoir :
- 8’18’’ – Eclairagistes
- Bureau Michel Forgue – Économiste
- Conpas – OPC
- ECERP – Bureau d’études
- Espace Temps – BET Fluides (Vincent Secoué responsable du projet)
- Félix Müller et Toan Vu-Huu – Graphistes
- Jean-Christophe Desnoux et Incandescence (Aurélien Bambagioni) – Outils numériques
- Pauline Guélaud – Projet Scientifique et Culturel
- Sylvie Ramel – Conservation préventive
Ma mission a
consisté, outre de participer à l’établissement et à la mise au point des
différentes interventions nécessitées par le projet sous la direction de Catherine
Frenak et Béatrice Jullien, de coordonner ces différents intervenants en phase
étude pour l’ensemble de l’équipe. Côté maîtrise d’ouvrage, le projet a été suivi par Clémentine
Roméo puis par Najiba Dakhlaoui sous la direction de Sylvain Leyssieux, avec
qui une bonne coopération a permis de mener à bien ce projet complexe.
Des parcours fédérateurs pour une collection
éclatée
Conformément à la demande, le projet propose une
redéfinition des parcours de visite dans une volonté de simplification. La
particularité de la collection d’œuvres d’art de la Défense est que les œuvres,
mises en place au fur et à mesure de la construction du quartier, sont
disséminées sur l’ensemble du territoire. Aussi le projet détermine-t-il, au
lieu d’un seul parcours cherchant à présenter toutes les œuvres de manière
exhaustive et risquant ainsi de perdre le visiteur dans le labyrinthe du
quartier de la Défense, un parcours principal complété de parcours secondaires.
Le premier suit l’axe principal Est-Ouest du
quartier, de la Grande Arche au bassin Takis, c’est-à-dire d’une des deux
stations de métro desservant le quartier à l’autre, en allant d’œuvre en œuvre
selon une logique de point à point. Et de ce parcours partent ensuite des
ramifications simples dans les différents quartiers qui composent la Défense
(Carpeaux, Degrés, Coupole, Boieldieu, Corolles, Michelet, Iris-Alsace) en
partant de l’axe.
Cette logique s’appuie sur la présence sur l’axe
de l’essentiel des œuvres majeures de la collection, particularité renforcée
par la possibilité offerte par le programme de déplacer certaines œuvres, et ainsi
de mieux mettre en valeur, dans de nouveaux aménagements adaptés, certaines
œuvres incontournables de la collection.
Il est à noter que cette logique s’appuie aussi
sur le PSC établi par l’équipe et accepté par Defacto, PSC qui proposait une
sélection des œuvres à mettre en valeur en écartant du projet les œuvres
non-directement accessibles au public (œuvres présentes dans le centre
commercial des 4 Temps, dont la présence est soumise aux aménagements et
réaménagements possibles du centre commercial, œuvres présentes dans la station
de RER, inaccessibles sans l’achat d’un titre de transports), ou les
installations artistiques au caractère commémoratif.
Identifier les œuvres
Dans l’espace public, ces nouveaux parcours de
visite ont pris la forme de nouveaux cartels, grandes dalles de marbre
s’inscrivant dans les dallages existants et fournissant les informations
minimales nécessaires à la compréhension de l’œuvre comme le font les cartels
dans n’importe quel musée : titre de l’œuvre, nom de l’artiste, date
d’acquisition, texte explicatif. Cette solution de dalles de sols trouve son
explication dans une volonté de ne pas compliquer un espace public déjà très
pollué par un mobilier urbain surabondant.
Mais le second objectif de ces dalles est
d’inscrire chaque œuvre dans les parcours par un système de fléchage renvoyant
d’œuvre en œuvre suivant la logique de point à point et tissant ainsi les
parcours à travers l’espace public du quartier. Pour ce faire, l’emplacement et
l’orientation de chaque cartel ont été étudiées précisément pour que
l’emplacement, outre d’offrir un point de vue intéressant de l’œuvre (prise en
compte du recul pour les œuvres de grandes dimensions), les œuvres précédentes
ou suivantes sur le parcours soient autant que possibles visibles.
Au niveau des départs des parcours secondaires
depuis l’axe vers les nouveaux quartiers, les cartels des œuvres proposent
comme des aiguillages les différents orientations possibles (suivre l’axe ou
découvrir un quartier).
Principe de cartellisation des oeuvres
A noter que cette logique d’orientation et son
graphisme, mis au point par les graphistes de l’équipe, Félix Müller et Toan
Vu-Huu, a été reprise dans le site internet d’accompagnement et de préparation
à la visite conçu et réalisé par Jean-Christophe Desnoux et Aurélien Bambagioni
pour Incandescence. A noter aussi que sur chaque cartel un QR code pouvant être
scanné au moyen d’un smartphone courant renvoie à la page consacrée à l’œuvre
dans le site internet.
Des interventions au cas par cas
Sur cette base commune que constituent parcours
et cartels, les interventions se sont fait au cas par cas, œuvre par œuvre.
Schéma de synthèse des opérations projetées
Une logique générale a bien évidemment été
établie pour l’ensemble des œuvres que ce soit pour de la mise en lumière comme
du soclage de certaines œuvres, mais chaque œuvre a été traitée de façon
particulière en fonction de ses spécificités selon ce vocabulaire commun.
Ainsi les mises en lumière des œuvres conçues par
l’équipe de 8’18 (Claire-Lise Bague, Nicolas Franco de Minacelli et Tristan
Bullier) l’ont été en cherchant à la mettre en valeur tel qu’on le ferait dans
un musée mais en prenant en compte sa situation dans l’espace public et surtout
son environnement lumière et la cacophonie lumineuse ambiante. Etablir ces
mises en lumières appropriées a été particulièrement complexe et a nécessité de
longues séances de tests nocturnes pour un résultat particulièrement réussi.
Les travaux de soclage quant à eux ont été de
deux ordres. Il a s’agit d’une part d’accompagner le projet d’éclairage en
créant des supports ou en permettant l’intégration aux aménagements existants des
luminaires nécessaires à la mise en lumière.
Mais surtout, il a s’agit de créer des socles plus
appropriés ou des mises à distance pour les œuvres le nécessitant, afin de les
détacher d’un environnement urbain souvent bavard dans lequel elles se
perdaient un peu pour les présenter. Il est à noter que d’accord avec la
maîtrise d’ouvrage, il ne s’agissait pas de ne pas mettre en place de mise à réelle
particulière, les œuvres placées dans l’espace public devant rester
accessibles. Mais la création de nouveaux socles, parfois à l’occasion du
déplacement d’une œuvre, a permis de les présenter dans un environnement plus
favorable. Bien évidemment, ces interventions de soclage n’ont peu ou pas
concerné les nombreuses œuvres de la collection conçues pour l’espace public dans
lequel elles sont installées, quand elles ne sont l’espace public lui-même, ce
qui est une des spécificités de certaines des œuvres.
Les travaux liés à ces nouvelles installations se
sont révélés particulièrement complexes, car du fait de la spécificité du
quartier de la Défense, de sa construction par phase et selon des logiques
différentes, l’éparpillement des œuvres sur le territoire a vite signifié qu’à
chaque œuvre correspondait une situation différente en termes de réseaux, de nature
du sol et de mise en œuvre. Il a donc eu autant de projets que d’œuvres, ce qui
a nécessité une adaptation permanente de l’équipe de maîtrise d’œuvre comme des
entreprises.
Différentes étapes du chantier du Pouce de César
Entreprises Biéma (Gros-œuvre) et Eiffage (Lumière et réseaux)
Des déplacements spectaculaires et complexes
Une des complexités particulières et particulièrement
spectaculaires de ce projet a été les opérations liées au déplacement de
certaines œuvres. Comme il a été dit plus haut, le programme permettait le
déplacement si nécessaire de certains œuvres et la logique des parcours, de
même que certaines propositions de mise en valeur utilisèrent cette option.
Or la dalle de la Défense est en réalité un
bâtiment de plusieurs étages dont l’esplanade et le parvis et les différents
espaces publics sont les toits. Déplacer des œuvres pesant parfois plusieurs
tonnes (« After Olympia » de Caro avoisine les 25 tonnes – voir
article spécifique sur la mise en place de cette œuvre) a donc été
particulièrement complexe à rendre possible et à mettre en œuvre. Pour les
œuvres concernées, il a d’abord été nécessaire de réaliser des études
structurelles afin de déterminer les emplacements exacts où la logique des
reprises de charges permettait de les replacer, puis de renforcer la structure
de la dalle pour qu’elle supporte le poids des œuvres. Les déplacements eux-mêmes
ont été particulièrement complexes et ont nécessités la mise au point de parcours
précis à respecter scrupuleusement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire